Logement : des communes rurales reprennent l’initiative

Maisons à 1 euro, primes à l’installation, collectifs d’habitants et d’architectes… Les communes rurales redoublent d’imagination pour attirer de nouveaux habitants. Le logement, longtemps vu comme un simple besoin, devient aujourd’hui un levier stratégique d’attractivité et de revitalisation.

Longtemps, l’attractivité d’un territoire s’est mesurée à l’aune des emplois offerts. Aujourd’hui, de plus en plus de ménages choisissent d’abord un lieu de vie, puis cherchent à y bâtir une activité (« on choisit d’abord là où s’installer et on verra ensuite pour trouver un travail« ). Ce basculement redonne aux communes rurales un atout : celui de leur cadre de vie. Mais pour qu’il soit plus qu’un signal d’appel, il doit s’inscrire dans une stratégie plus large de développement.

Quatre approches concrètes et inspirantes

La maison à 1 € avec obligation de rénovation pour l’acquéreur

👉 Commune d’Ambert (Puy-de-Dôme, 6 500 habitants).
La commune porte un dispositif innovant: céder des biens pour 1 €, avec obligation de rénovation et d’occupation durable. Le symbole est fort et attire la presse. Mais l’efficacité repose sur le sérieux du dispositif : cahier des charges précis avec le programme de travaux, avec le soutien financier de l’Anah et de l’intercommunalité.

Au final, malgré des travaux de rénovation conséquents, le projet reste tout à fait abordable pour les acquéreurs, y compris pour des ménages modestes ; tout en bénéficiant d’un logement réhabilité et bien isolé.

Pour réussir dans cette démarche : la communication ne suffit pas, il faut des règles claires et un accompagnement financier solide pour que l’attraction devienne installation pérenne.

Exemple d’une maison mise en vente à 1 euros avec à droite le visuel proposé pour le projet de travaux.
© Vignette Illustration
Urban Studio

Ci-dessous le lien pour consulter les pièces administratives (dont le cahier des charges) publiées par la Mairie d’Ambert 🔗https://www.ville-ambert.fr/actualites/539859-ambert-vente-avec-cahier-des-charges

Voici le lien de l’article du journal Libération dédié à cette démarche 🔗📰: https://www.liberation.fr/societe/ville/maisons-a-un-euro-financement-des-renovations-tiers-lieu-dans-le-puy-de-dome-ambert-met-le-paquet-pour-attirer-des-habitants-20250702_FAPQW3SQERGHFAT6SSP35IDKWE/

La reprise et réhabilitation des biens délaissés

👉 Commune de Joinville (Haute-Marne, 2 900 habitants).

Les biens délaissés ou sans maîtres, peuvent représenter un véritable fléau pour la collectivité, son image et son attractivité. Toutefois, il est possible d’en faire une opportunité en utilisant les outils juridiques à disposition des Communes ou EPCI. En effet, les Communes ou les EPCI peuvent prendre la propriété du bien en cas d’absence ou d’abandon manifeste du propriétaire.

Joinville utilise toute la palette : arrêtés d’“abandon manifeste” ou de “biens sans maître”, acquisitions ciblées, reventes à prix coûtant. La commune organise même des journées “portes ouvertes” avec notaires et agence locale pour montrer l’offre disponible.
Cette stratégie suppose une capacité juridique et administrative solide, mais elle permet à la commune de redevenir acteur central de la recomposition de son habitat.

Un collectif associatif au service du bâti

👉Commune de Pesmes (Haute-Saône, 1 000 habitants, classé “Plus beaux villages de France”).
Ici, l’association « Avenir Radieux » propose diagnostics, séminaires et accompagnements aux habitants comme aux élus. On y voit une autre voie : plutôt que d’imposer, co-construire la transformation du patrimoine.
Travailler avec des experts extérieurs permet de sortir de la logique défensive (“on rénove parce qu’il faut”) pour entrer dans une logique créative (“on imagine ensemble ce que ce village peut devenir”).

Cette démarche volontariste illustre la volonté de faire vivre un village, avec des habitants. Le risque est de tendre vers une montée en gamme qui pourrait exclure les ménages modestes à cause d’une hausse de la valeur de l’immobilier (gentrification). D’où la nécessité de garder le cap sur l’accessibilité sociale et des revenus moyens, ce qui ne semble pas être le principal axe de travail de cette association.

Lien vers le site de l’association : 🔗https://www.aveniradieux.fr

Prime directe : attirer et marquer une volonté

L’article L. 2121-29 du CGCT « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune »  représente la clause de compétence générale des Communes. Elle permet à la Commune de prendre des mesures pour le logement, sous réserve qu’elle ne rentre pas déjà dans le champs des compétences exercées par l’EPCI (bien que des actions complémentaires soient possibles).

👉 Marolles-les-Braults (Sarthe, 2 300 habitants).
La commune mise sur une prime de 5 000 € pour les jeunes primo-accédants de moins de 40 ans. La logique est claire : attirer des familles par un coup de pouce concret, avec un engagement d’occupation. Là encore, le coût immédiat doit être vu comme un investissement : chaque famille installée, c’est de la vitalité pour l’école, les commerces, les associations.
Cet exemple montre que les aides directes attirent l’attention et peuvent favoriser l’installation de jeunes ménages et leur donnant un argument financier de choisir cette Commune.

La délibération du Conseil Municipal instaurant ces aides doit toutefois être assez précise, bien déterminer l’objectif d’intérêt général, les critères d’attribution et la limite budgétaire à ne pas dépasser.

Voici le lien de l’article d‘une rédaction locale dédié à cette démarche 🔗📰: https://www.francebleu.fr/infos/societe/cette-commune-de-la-sarthe-propose-une-aide-de-5-000-euros-aux-nouveaux-proprietaires-les-demandes-affluent-4268260

Par ailleurs, les aides à l’installation peuvent aussi relever des aides facultatives du CCAS.

Néanmoins ce dispositif a aussi une limite importante : il attire de jeunes ménages, mais dans un cadre de concurrence avec les communes voisines. Pour revitaliser un bassin de vie en milieu rural, l’échelle intercommunale d’une politique d’aide à l’installation semble tout autant pertinente (notamment dans le cadre d’un PLH, Plan Local de l’Habitat).

Dans certains départements très ruraux, des initiatives départementales visent l’attrait de nouveaux habitants. Par exemple, le département de la Haute-Vienne propose une aide à la propriété de 2 000 à 4 000 euros + 1 000 euros par enfants.

Ci-dessous le lien du Conseil Départemental de la Haute-Vienne relatif à cette démarche : 🔗https://www.haute-vienne.fr/nos-actions/logement/aide-departementale-a-lacquisition-de-logements-en-centres-bourgs-et-dans-les-communes-en-deprise-demographique?search[filters]=%7B%7D&search[page]=0&search[tab]=map&q=

Le logement, une clé de voûte mais à conjuguer avec d’autres actions

L’expérience le montre : sans offre accessible et décente, difficile d’attirer de nouveaux habitants. Mais le risque inverse existe aussi : investir toute l’énergie communale dans la réhabilitation de maisons, sans penser à ce qui suit (emploi, services, vie collective). Le logement est donc la porte d’entrée, pas le tout de la politique locale.

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