Les petites et moyennes collectivités au cœur des enjeux
Les communes rurales et les EPCI (communautés de communes ou d’agglomération) ne sont plus les acteurs centraux du développement économique, du moins en théorie. La loi a progressivement recentré les leviers économiques vers les grandes intercommunalités et les régions. Il subsiste encore d’autres partenaires incontournables comme les Départements, les Chambres de Commerce et d’Industrie.
Pour autant, il serait illusoire — et surtout contre-productif — de considérer que les Communes doivent se désintéresser du développement économique local. Au contraire, les maires et décideurs locaux conservent une légitimité forte pour impulser une dynamique, ne serait-ce que par leur proximité immédiate avec les habitants, les entrepreneurs et porteurs de projets.
Dans un contexte de ralentissement de l’économie et de faible création nette d’entreprises au niveau national, les territoires se retrouvent de fait en concurrence pour attirer les projets économiques, les actifs et les entrepreneurs. Les territoires ruraux n’échappent pas à cette réalité. Cette compétition impose aux collectivités de dépasser les clivages institutionnels pour élaborer une véritable stratégie concertée, partenariale, équitable et planifiée du développement économique local. Seule une coordination étroite entre communes, intercommunalités, départements et partenaires économiques peut permettre de relever ce défi.
Valoriser les atouts souvent oubliés du monde rural
Trop souvent, les territoires ruraux peinent à faire entendre leurs arguments face à des métropoles plus visibles, parfois perçues comme les seules locomotives du développement. Pourtant, le monde rural dispose d’atouts concrets, objectifs, qui répondent aux attentes grandissantes de nombreux actifs et entrepreneurs :
1. Le faible coût de l’immobilier
Qu’il s’agisse du foncier, des logements ou des locaux d’activité, les prix en zone rurale sont sans commune mesure avec ceux des zones tendues et saturés. Cet avantage économique est un levier puissant pour attirer des projets, sous réserve de le faire connaître et d’y associer une offre d’accompagnement adaptée.
2. La qualité de vie et la proximité avec la nature
Dans un monde en quête de sens, de calme et d’authenticité, la ruralité offre un environnement préservé, des paysages accessibles au quotidien et un cadre de vie qui séduit de plus en plus d’urbains en quête d’équilibre.
3. Des relations sociales plus humaines et solidaires
Les liens de voisinage, la vie associative, les formes de solidarité liées aux réalités rurales (isolement, entraide) forgent un tissu social qui peut être un argument différenciant pour les familles et les entreprises attachées aux valeurs de proximité et de cohésion.
La révolution technologique : une opportunité pour la ruralité
Miser sur les activités non délocalisables et non automatisables :
La ruralité dispose d’un socle économique qui pourra mieux résister aux délocalisations et aux grandes vagues de robotisation industrielle. La nouvelle révolution industrielle, marquée par l’intelligence artificielle, la robotisation et l’automatisation, va profondément transformer les métiers et les territoires. Si certains emplois très standardisés ou techniques sont appelés à disparaître ou à être transformés, de nombreux secteurs, stratégiques pour les zones rurales, resteront difficilement remplaçable/délocalisables et pourraient même se développer.
- Le tourisme, l’artisanat, les produits de terroir et l’art de vivre, qui relèvent d’un savoir-faire humain et localisé.
- Le service à la personne, qui repose sur l’humain et la proximité, notamment l’accompagnement des personnes âgées, un secteur en croissance et essentiel pour les territoires.
- Le développement durable et la gestion des ressources naturelles, qui nécessitent une présence de terrain et des compétences spécifiques.
- Le commerce de proximité, vecteur de vitalité et de lien social.
- Les métiers du bâtiment et du BTP, essentiels pour répondre aux besoins locaux en logements et infrastructures.
- L’exploitation raisonnée des ressources locales : agriculture, forêt, artisanat, autant d’activités ancrées dans les territoires et sources d’emplois pérennes.
- Le secteur de l’économie sociale et solidaire, qui combine utilité sociale, création d’emplois locaux et insertion professionnelle, notamment dans les espaces verts, l’industrie alimentaire ou les services.
La relocalisation ou l’exode inversé : un nouvel atout pour les territoires ruraux
Ainsi, on assiste parfois à une forme de relocalisation inversée, où des activités, des compétences et des emplois migrent des métropoles vers les territoires, pour peu que ces dernières se montrent attractives et préparées. Les mutations technologiques et les crises récentes vont profondément modifier les équilibres territoriaux. Désormais, l’installation d’activités économiques et de familles en milieu rural est possible par plusieurs leviers :
- Le déploiement du très haut débit dans la quasi-totalité des territoires ruraux ouvre de nouvelles perspectives pour l’économie de service : télétravail, e-commerce, services en ligne, formations à distance… Ces technologies gomment en partie les inconvénients liés à l’éloignement géographique.
- La montée en puissance des outils de communication à distance, comme la visioconférence ou les webinaires, permet aux entreprises et aux travailleurs indépendants de s’affranchir des contraintes physiques pour collaborer, se former ou organiser des événements.
- Le cadre de vie rural devient un argument majeur, notamment pour les organisations qui souhaitent proposer des séminaires, formations ou évènements dans des lieux accessibles, agréables, avec des coûts et contraintes logistiques souvent bien moindres que dans les grandes agglomérations saturées.
Par ailleurs, les nouvelles technologies permettent d’atténuer les handicaps structurels de la ruralité, notamment l’accès à la formation. Aujourd’hui, il est possible de se former à distance, d’acquérir des compétences sans nécessairement être proche d’une grande ville ou d’un établissement universitaire. C’est un levier précieux pour préparer l’avenir et répondre aux besoins locaux en main-d’œuvre qualifiée.
Quels leviers concrets pour les élus ruraux ?
Dans une petite commune ou intercommunalité rurale, on ne dispose pas d’une équipe dédiée au développement économique. Pourtant, avec du bon sens, de la méthode et des partenariats, il est tout à fait possible d’agir. Voici des leviers simples, accessibles et efficaces :
1. Faire un état des Lieux des atouts de son territoire (et des contraintes)
Avant de parler d’attractivité, il faut commencer par lister, noir sur blanc, les points forts du territoire :
✅ Le prix de l’immobilier ou des terrains : est-il possible de s’installer ou de construire à coût raisonnable ?
✅ La qualité de vie : tranquillité, nature, absence de bouchons, environnement préservé.
✅ Les services de proximité existants : école, commerce, santé, vie associative.
✅ Les accès : proximité d’une route départementale, d’une gare, couverture en très haut débit.
Ce travail peut se faire en conseil municipal ou en réunion publique. Cela permet aussi d’impliquer les habitants et de prendre du recul sur son territoire.
2. Faire un appel à candidature ou appel installation des entreprises et commerces
Il est recommandé de rédiger un appel à candidature à l’attention d’entreprises ou commerces afin de valoriser les atouts et présenter le territoire (cadre de vie, situation géographique…), les opportunités en terme d’installation (foncier, logement..) et de définir les perspectives de partenariat possible.
Ce document est avant tout une démarche promotionnelle, entrepreneuriale. Il n’est pas doit être un support trop « administratif« semblable à un cahier des charges d’une consultation en mode « Marché public », au risque de voir votre message dilué, trop complexe à décrypter et donc de manquer d’attractivité.
2. Rendre son territoire visible, même modestement
Même une petite commune peut se faire connaître sans gros budget :
- Mettre à jour le site internet communal ou la page Facebook avec les infos sur le cadre de vie, les terrains disponibles, les locaux vacants, les commerces, les services.
- Créer un petit dépliant papier ou un flyer à distribuer lors des événements, dans les commerces, et à diffuser dans les différents réseaux.
- Prendre contact avec la communauté de communes, le Département, ou la CCI pour intégrer les démarches collectives de promotion (marque de territoire, site web partagé, salon économique).
- Relayer les dispositifs existants : aides à l’installation, accompagnement des porteurs de projets, etc.
3. Créer les conditions favorables au quotidien
Ce sont souvent les « petits gestes » locaux qui font la différence :
- 🏡 S’assurer qu’il y a des logements disponibles pour accueillir de nouveaux habitants ou travailleurs.
- 🚗 Travailler, avec la communauté de communes, sur la mobilité : covoiturage, transport à la demande, aide aux déplacements.
- 🛠 Soutenir les commerces ou artisans locaux, par exemple en facilitant les démarches d’installation ou en évitant les freins inutiles.
- 👩🦳 Favoriser les services de proximité : maintien de la boulangerie, du café, des petits services qui font la vie d’un village.