A l’instar des entreprises, le recours à l’emprunt est une pratique courante pour financer les investissements des collectivités territoriales. Il constitue un levier financier stratégique qui permet de réaliser des projets structurants sans grever immédiatement le budget de la commune. Toutefois, il est essentiel de rappeler que les collectivités ne peuvent emprunter que pour financer leurs investissements, et non leurs dépenses de fonctionnement.
Dans cet article, nous vous proposons des conseils pratiques pour un recours à l’emprunt classique, à faible risque, sans aborder les produits financiers complexes.
Préparer son dossier et définir son besoin de financement
Avant d’engager des discussions avec les établissements bancaires, il est crucial de bien définir le montant nécessaire et la durée de l’emprunt en fonction de l’investissement à financer. Ce montant doit être corrélé à la capacité d’autofinancement de la collectivité. Un bon suivi de la Capacité d’Autofinancement (CAF) et des échéances de remboursement des emprunts est essentiel pour éviter des situations d’endettement excessif.
Un dossier solide accompagné d’une note explicative sur l’investissement, ainsi que les budgets prévisionnels et comptes administratifs, renforcera la crédibilité de la demande auprès des banques.
Consulter plusieurs établissements bancaires
Comparer les offres des banques est un impératif. Voici une liste des principaux acteurs en France auprès desquels vous pouvez solliciter un emprunt :
- Crédit Mutuel / Arkéa
- Crédit Agricole
- Banque Populaire
- Caisse d’Épargne
- Banque Postale
- Agence France Locale (spécialisée dans le financement des collectivités)
Chaque établissement a ses spécificités en matière d’offre et de taux. Solliciter plusieurs devis permet d’obtenir les conditions les plus avantageuses.
Les projets structurants des collectivités peuvent aussi être soutenus par la Banque des Territoires, organisme de la Caisse des dépôts et consignations. Certains projets peuvent être financés par cet organisme à très long terme, tout en limitant le recours à des organismes de financement privé.
Choisir le bon moment pour emprunter
Il est conseillé d’éviter certaines périodes de l’année, comme la période estivale ou la fin de l’année, période où les banques sont fortement sollicitées ou en activité réduite (congés). Cela pourrait réduire la qualité des offres et augmenter les délais de réponse. Il est nécessaire d’anticiper la demande(dossier) de financement au moins 6 mois avant le besoin réel des fonds.
Demander plusieurs scénarios d’emprunt
Il est important de demander plusieurs simulations d’emprunt aux banques afin de comparer les scénarios, notamment en termes de :
- Taux fixe ou variable :
- Le taux fixe offre une stabilité sur la durée de l’emprunt et permet d’éviter les variations liées aux fluctuations du marché. C’est une option sûre et recommandée pour les collectivités à budget modeste.
- Le taux variable est indexé sur des indices comme l’Euribor, ce qui peut permettre d’obtenir un taux initial plus bas, mais expose à des augmentations imprévisibles. Cette option est à manier avec précaution, surtout en période d’incertitude économique.
- Durée d’amortissement :
La durée d’amortissement doit idéalement correspondre à la durée de vie de l’investissement. Par exemple, pour des infrastructures durables comme des bâtiments publics, une durée d’emprunt de 20 à 30 ans est souvent adaptée. Cependant, cette durée peut être ajustée en fonction de la capacité d’autofinancement de la collectivité.
Maîtriser les modalités de remboursement
Deux principales méthodes de remboursement existent :
- Amortissement ou remboursement linéaire du capital (ou à échéance dégressive) : Le remboursement du capital reste constant, mais la part des intérêts diminue progressivement. Cela implique des mensualités plus élevées au début, mais qui diminuent avec le temps.
- Amortissement ou remboursement à échéance constante : Le montant global des mensualités reste fixe, mais la part des intérêts diminue progressivement tandis que la part du capital augmente. Cela permet une visibilité précise sur les échéances, mais engendre un coût plus élevé sur les premières années. Cette solution peut être intéressante pour les collectivités ayant une marge de manœuvre limité lors des premières de remboursement.
Anticiper les fluctuations des taux d’intérêt
Les taux d’intérêt sont souvent influencés par les décisions de la Banque centrale européenne (BCE), qui ajuste les taux pour contrôler l’inflation ou stimuler la croissance. Comprendre ces mécanismes permet d’anticiper les évolutions des taux, notamment si vous optez pour un emprunt à taux variable. En période de hausse continue des taux, il est préférable de se tourner vers des emprunts à taux fixe pour éviter une charge d’intérêts trop lourde.
Évaluer l’impact sur le budget communal
Un suivi rigoureux de la dette est nécessaire pour s’assurer que la collectivité reste dans une trajectoire soutenable. Une gestion prudente implique de ne pas dépasser certains seuils, comme un taux d’endettement trop élevé par rapport aux recettes de la commune, et de veiller à maintenir une capacité d’autofinancement positive.
Simuler l’impact des nouveaux emprunts
Avant de souscrire un emprunt, il est recommandé de simuler son impact sur le budget pluriannuel de la commune. De nombreux outils permettent de modéliser la charge de la dette sur plusieurs années, en tenant compte des augmentations potentielles de taux pour les emprunts variables, ou des nouvelles règles budgétaires.
Exemple : Emprunt pour la construction d’une école
Montant emprunté : 1 000 000 €
Durée : 20 ans
Taux d’intérêt fixe : 2,5%
Remboursement linéaire du capital
Le capital est remboursé par montants constants chaque année, tandis que les intérêts diminuent progressivement.
Année | Capital restant dû (€) | Intérêts annuels (€) | Remboursement du capital (€) | Total annuel (€) |
---|---|---|---|---|
1 | 1 000 000 | 25 000 | 50 000 | 75 000 |
5 | 800 000 | 20 000 | 50 000 | 70 000 |
10 | 500 000 | 12 500 | 50 000 | 62 500 |
20 | 0 | 0 | 50 000 | 50 000 |
Coût total des intérêts sur 20 ans : 262 500 €
Remboursement à échéance constante
Le montant total des remboursements (capital + intérêts) est le même chaque année, mais la proportion de capital remboursée augmente au fil du temps, tandis que la part des intérêts diminue.
Année | Capital restant dû (€) | Intérêts annuels (€) | Remboursement du capital (€) | Total annuel (€) |
---|---|---|---|---|
1 | 1 000 000 | 25 000 | 42 406 | 67 406 |
5 | 842 000 | 21 050 | 46 356 | 67 406 |
10 | 665 000 | 16 625 | 50 781 | 67 406 |
20 | 0 | 0 | 67 406 | 67 406 |
Coût total des intérêts sur 20 ans : 334 120 €
- Remboursement linéaire : Coût total des intérêts : 262 500 €
- Remboursement à échéance constante : Coût total des intérêts : 334 120 €
Ici le premier exemple s’avère moins onéreux à long terme, tandis que le second permet d’avoir d’avoir des échéances de remboursement moins onéreuses pour les premières années.
Ces deux approches permettent à la collectivité d’ajuster son remboursement en fonction de sa capacité budgétaire à court et long terme, mais elles influencent directement le montant total des intérêts payés.