Pour une véritable réforme de la fiscalité Communale

La fiscalité locale en France reste modérée comparée à d’autres pays européens décentralisés. Elle repose sur des bases obsolètes, sources d’inégalités entre territoires et au sein même des communes.
Une réforme des valeurs locatives et de la péréquation est indispensable pour plus d’équité.

➡️ Il est temps de redonner aux communes une vraie marge d’adaptation face aux réalités locales.

Relativiser l’importance de la fiscalité locale dans un contexte européen

La France se situe dans la moyenne européenne en matière de fiscalité locale, voire légèrement en dessous de certains pays décentralisés comme l’Allemagne, l’Espagne ou les pays scandinaves. Contrairement aux modèles fédéraux, où une grande partie des dépenses est assumée par les collectivités locales, la France conserve un modèle centralisé où l’État prend en charge une grande partie des dépenses publiques. Cela explique en partie pourquoi les recettes fiscales locales françaises, y compris la taxe foncière, sont relativement limitées par rapport aux pays ayant délégué davantage de responsabilités fiscales aux collectivités.

Des bases fiscales obsolètes et sources d’inégalités

La taxe foncière repose sur des valeurs locatives cadastrales (VLC) définies dans les années 1960, basées sur une estimation des loyers théoriques de l’époque. Depuis la dernière révision intégrée en 1970, ces valeurs ont peu évolué en fonction de la réalité du marché immobilier. Or, l’attractivité des communes a radicalement changé depuis, avec des disparités d’évolution entre zones rurales, périurbaines et urbaines ou entre quartiers résidentiels et collectifs. Cette situation entraîne des injustices fiscales significatives.

Par exemple, des communes ou quartiers en fort développement continuent de bénéficier d’évaluations obsolètes, tandis que des zones rurales ou des quartiers en déclin restent taxés sur des valeurs locatives qui ne correspondent plus à leur réalité économique.

L’obsolescence des taux de fiscalité

Aujourd’hui, la notion de « taux de fiscalité » est elle-même remise en cause, car le calcul des bases fiscales sur lesquelles ces taux s’appuient est trop ancien.

Deux communes ayant une base fiscale historiquement différente peuvent afficher des taux de taxe foncière très différents, bien que leur contexte socio-économique soit similaire. Une commune avec des bases élevées peut afficher un taux bas mais bénéficier d’un produit fiscal confortable, tandis qu’une autre, aux bases moins revalorisées, devra augmenter ses taux pour atteindre un produit équivalent.

Cette situation complique la comparaison et crée un sentiment d’iniquité pour les contribuables et les communes.

Une sectorisation à revoir

Les inégalités fiscales ne s’observent pas uniquement entre les territoires ou les communes : elles existent également à l’intérieur même des communes. Certains quartiers ont vu leur attractivité croître ces dernières années, entraînant une hausse de la valeur immobilière, tandis que d’autres secteurs, souvent plus modestes, n’ont pas connu la même dynamique.

Or, le système actuel ne permet pas toujours de prendre en compte ces évolutions internes. Il semble donc indispensable de redonner aux collectivités locales la possibilité de revoir leur sectorisation fiscale, en tenant compte de l’évolution réelle des quartiers. Cela passerait par une actualisation différenciée des valeurs locatives, plus proche de la réalité du terrain, pour restaurer une équité fiscale locale.

Le rôle des Commission Communale des Impôts Directs (CCID)

Les Commissions Communales des Impôts Directs (CCID) peuvent jouer un rôle central dans cette démarche de modernisation. Composées d’élus et de représentants des contribuables, elles disposent d’une connaissance fine du territoire. Appuyées par les services municipaux et la DGFIP, elles sont en mesure de proposer une refonte plus juste et plus pragmatique des valeurs locatives.

Nous défendons l’idée que la fiscalité locale ne peut plus être pilotée exclusivement depuis Paris selon une vision jacobine et centralisatrice. Une telle approche, trop rigide, ne permet pas d’ajuster l’imposition à la diversité des réalités locales. Une réforme ambitieuse devra certes poser un cadre national clair, garantissant l’égalité de traitement, mais elle devra aussi offrir une réelle marge de manœuvre aux communes, pour leur permettre d’exercer leur pouvoir d’adaptation et d’équité au plus près du terrain

Moderniser le calcul des valeurs locatives pour plus de justice et de transparence

Pour simplifier le système et le rendre plus juste, on pourrait envisager d’établir une nouvelle base de données nationale des loyers par type de logement et par commune. En associant l’État et les élus locaux, cette base pourrait être réévaluée périodiquement, en phase avec les valeurs actuelles des marchés locatifs, pour que chaque contribuable soit imposé à un niveau correspondant à la réalité de son logement.

Repenser la péréquation : pour une solidarité locale directe

La réforme de la taxe foncière pourrait aussi redéfinir le système de péréquation entre communes riches et communes moins favorisées. Actuellement, cette péréquation est en grande partie assurée par l’État via la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF), mais il existe un potentiel pour renforcer la « péréquation horizontale » : c’est-à-dire des transferts entre collectivités locales elles-mêmes. Une part de la recette de la taxe foncière des collectivités aisées pourrait directement financer celles ayant des besoins accrus. En renforçant ainsi le rôle des communes dans la redistribution, l’État pourrait réduire progressivement sa charge budgétaire liée à la DGF tout en rendant la fiscalité locale plus transparente et plus en phase avec les besoins de chaque territoire.

Pour une réforme pour une fiscalité locale plus compréhensible et plus équitable

Une réforme de la taxe foncière (valeurs locatives) ne signifie pas nécessairement une augmentation des impôts locaux, mais une mise en adéquation des valeurs cadastrales avec la réalité économique et immobilière de chaque commune. En clarifiant les bases de calcul et en renforçant la péréquation horizontale, cette réforme permettrait d’assurer un produit fiscal équitable pour les communes, tout en préservant les contribuables les plus modestes grâce à des mécanismes d’abattement et de majoration ajustés.

Ainsi, une réforme réfléchie et bien structurée pourrait aboutir à un système de fiscalité locale à la fois plus simple, plus juste et financièrement durable pour tous.