Biens vacants, à l’abandon, ou non entretenus : faire d’un problème une opportunité pour les territoires ruraux

La baisse de la démographie rurale, couplée au vieillissement de la population, pourrait bien accélérer la vacance des logements anciens et des biens non entretenus.
Mais cette tendance, loin d’être uniquement un risque, représente aussi une véritable opportunité pour l’aménagement des bourgs, la relance du logement et la reconversion de certaines exploitations agricoles.

Un parc d’immeubles vacants ou à l’abandon qui devrait croitre ces prochaines années : un problème à transformer en opportunité ?

Jusqu’à présent, la réduction du nombre d’occupants par foyer — liée à l’éclatement des familles et au vieillissement — avait compensé la stabilité du parc de logements.
Cependant, la pyramide des âges, et le déclin de la natalité dans les territoires ruraux laisse présager une augmentation mécanique du nombre de biens vacants, en particulier dans les territoires déjà en perte d’attractivité pour les jeunes ménages.
Paradoxalement, dans ces territoires, l’immobilier reviendra plus attractifs pour de nouveaux ménages en quête de prix abordables et de qualité de vie. Cela représente une opportunité, à condition de pouvoir comprendre, accompagner et inverser la perception négative de ces secteurs.

En revanche sans aucune politique publique concrète, ces territoires risquent de rester durablement inoccupés, faute d’entretien, repreneurs ou d’héritiers, contribuant à la dévitalisation des villages et centres bourgs.

Des outils qui représentent un levier d’action local

Différents outils règlementaires permettent aux communes rurales de reprendre la main sur leur foncier ancien.
Les usages possibles sont multiples :

  • réhabiliter pour créer du logement locatif, souvent rare dans le milieu rural ;
  • installer un commerce de proximité pour redynamiser le bourg ;
  • ou encore revendre à prix coûtant afin de permettre à de jeunes ménages d’investir davantage dans la rénovation que dans le foncier.

À travers ces outils, les communes rurales peuvent ainsi transformer la vacance en ressource pour leur développement local, en conciliant attractivité, patrimoine et revitalisation.

Les outils à disposition des Collectivités Locales

Les biens vacants et sans maître :

Les biens dits vacants et sans maître proviennent souvent de successions anciennes, dont aucun propriétaire n’est identifié ou dont la taxe foncière afférente n’a pas été réglée depuis plus de 3 ans. Contrairement aux biens sans héritiers (qui reviennent directement à l’État), ces biens peuvent être réintégrés dans le patrimoine communal après une procédure spécifique.

  • La succession doit être ouverte depuis au moins 30 ans, dans le cas général.
  • Depuis la loi 3DS, le délai d’attente pour constater cette vacance a été réduit de 30 à 10 ans pour les successions ouvertes depuis le 1ᵉʳ janvier 2007, lorsqu’elles se situent dans un périmètre de revitalisation de territoire, dont les zones de Revitalisation Rurale (ZRR), ou de grande opération d’urbanisme.

La procédure en quelques étapes :

  • Vérification cadastrale et fiscale (demande auprès du service de la publicité foncière + DGFIP).
  • Délibération du conseil municipal constatant la vacance.
  • Publicité légale (affichage, recueil des actes, transmission préfet).
  • Après un délai de 6 mois sans réclamation, intégration au domaine privé communal.

Il est recommandé aux gestionnaires des Communes, de solliciter auprès de la DGFIP, la liste des immeubles sans propriétaire identifié et la liste des biens dont la taxe foncière n’a pas été recouvrée depuis plus de trois ans. Ces listes permettront d’établir rapidement un premier état des biens potentiellement concernés.

🗒️ Téléchargez le guide de procédure rédigé par la Préfecture du Cantal en cliquant ici.

Les biens en état d’abandon manifeste :

Ici, le propriétaire existe, mais le bien est également délaissé, abandonné, parfois dangereux. La commune peut, après une procédure encadrée, exproprier le bien pour des motifs de salubrité ou de sécurité publique, puis le réhabiliter ou le céder.

La procédure en quelques étapes :

  • Constat provisoire : Le maire dresse un procès-verbal provisoire décrivant l’état du bien (dégradations, désordres, absence d’entretien). Ce constat est affiché en mairie et sur le bien, notifié aux propriétaires connus et publié dans la presse locale. Il est ensuite respecté un délai d’observation de 3 mois. Durant ce délai, les propriétaires peuvent réagir : engager des travaux ou échanger avec la commune.
    Si la situation est régularisée, la procédure s’arrête. À défaut d’action, elle se poursuit.
  • Constat définitif : À l’issue du délai, le maire établit un procès-verbal définitif confirmant l’état d’abandon manifeste.
  • Le conseil peut déclarer officiellement le bien en état d’abandon manifeste et décider d’engager une procédure d’expropriation pour utilité publique (logement, restauration, aménagement, réserve foncière…).
  • Mise en œuvre de l’expropriation : Le maire constitue un dossier simplifié (justification du projet, estimation du coût, mise à disposition du public). La dossier est ensuite transmis au juge de l’expropriation. Une fois la procédure achevée, le bien devient propriété de la commune.

🗒️ Téléchargez le guide de procédure rédigé par la Préfecture du Cantal en cliquant ici.

La procédure de péril imminent

La procédure de péril imminent ne vise pas à transférer la propriété du bien. Elle est une mesure de police administrative spéciale, prévue par le Code de la construction et de l’habitation (CCH, articles L.511-1 à L.511-6). Dans cette procédure le propriétaire est connu et le bien n’est pas nécessairement abandonné.
Elle vise à assurer la sécurité publique. Le maire peut lorsqu’une maison ou immeuble menace ruine, c’est-à-dire :

  • qu’il présente un danger pour la sécurité des personnes (voisins, passants, occupants) ;
  • ou qu’il y a un risque d’effondrement partiel ou total.

👉 Contrairement à l’abandon manifeste, le propriétaire reste responsable. On n’agit pas parce qu’il est absent, mais parce que le bâtiment est dangereux.

La procédure est quelques étapes :

  • Le maire (ou un expert mandaté) constate le danger et dresse un rapport ou procès-verbal de péril. Il distingue deux cas : la procédure de Péril ordinaire (pas de danger immédiat) ou le Péril imminent (risque immédiat pour la sécurité publique).
  • Le maire prend un arrêté de péril notifiant le nature des travaux à réaliser le délai exigé.
  • Si le propriétaire ne réagit pas la Commune peut faire exécuter les travaux d’office (sur le budget communal) et ensuite réclamer le remboursement des fonds auprès du propriétaire.

Le droit de préemption en cas de vente :

Cet outil permet à la commune de racheter un bien mis en vente, afin d’en maîtriser l’usage futur : logement, commerce, équipement communal… Etant donné qu’il s’agit d’un outil relativement connu et spécifique aux cessions immobilières par la voie classique. Nous ne jugeons pas utile d’expliquer cette procédure au sein de cet article.

Un exemple inspirant

👉 Commune de Joinville (Haute-Marne, 2 900 habitants).

Joinville utilise toute la palette : arrêtés d’“abandon manifeste” ou de “biens sans maître”, acquisitions ciblées, reventes à prix coûtant. La commune organise même des journées “portes ouvertes” avec notaires et agence locale pour montrer l’offre disponible.
Cette stratégie suppose une capacité juridique et administrative solide, mais elle permet à la commune de redevenir acteur central de la recomposition de son habitat.

🗒️Téléchargez la fiche mettant en avant le projet de l’ANCT mettant en avant cette initiative, en cliquant ici.

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