Dans les communes rurales, on entend trop souvent cette phrase : « Ce n’est pas de notre compétence. » Et pourtant, les défis — logement, revitalisation, emploi, culture — n’attendent pas qu’un transfert de compétences apparaisse pour exister. Face à l’urgence de certains besoins, il est temps de redonner du sens au mot « compétence » : non plus comme une ligne administrative, mais comme une capacité à imaginer, à mobiliser, à agir.
Et si demain, au lieu de dire “ce n’est pas de notre compétence”, on disait :
👉 “Et si on trouvait un moyen d’y arriver quand même ?”
Les territoires ruraux n’ont pas à être dépendants. Ils peuvent être maîtres de leur trajectoire, à condition d’oser sortir du cadre.
🚀 Penser « hors organisation classique » pour agir sur les grands sujets =
La clé, c’est de sortir de l’approche classique/administrative de la collectivité (Conseil municipal, budget, compétence, arrêté…) pour adopter une vision systémique et entrepreneuriale du territoire. Cela ne signifie pas de contourner les règles, mais de les compléter intelligemment en mobilisant des structures satellites, agiles, et puissantes.
Un « satellite », c’est une structure autonome (comme une SEM, une SCIC ou une SPL) créée par la commune pour porter des projets sans alourdir directement son budget ou son organisation administrative. Elle peut emprunter, investir, gérer un équipement ou un foncier, tout en restant pilotée par la collectivité via la gouvernance (conseil d’administration, capital majoritaire…). Ce levier permet aussi de mobiliser des partenaires privés, associatifs ou financiers, et de mutualiser les risques. En clair, c’est un bras armé stratégique, souple, contrôlé, et capable de faire ce que le budget et l’entité communale seul ne permettrait pas.
Deux exemples concrets :
🏕️ SPL du Pays Coulangeois – Camping Les Ceriselles (Yonne)
La Société Publique Locale (SPL) du Pays Coulangeois, créée en 2017, regroupait huit communes de l’Yonne pour maintenir des services locaux essentiels. Elle gère notamment le camping Les Ceriselles à Vincelles, un établissement 4 étoiles labellisé « Tourisme et Handicap », offrant des hébergements variés et des activités de loisirs. Ce modèle permet une gestion mutualisée et professionnelle, tout en conservant une gouvernance publique locale.
Cette SPL a été clôturée en 2025, après plusieurs années de continuité de services publics.
Accéder à la page web de la SPL du Pays Coulangeois
🧵 SCIC La Filature des Possibles – Lisieux (Calvados)
La Filature des Possibles est un tiers-lieu situé à Lisieux, dans une ancienne friche industrielle réhabilitée. Porté initialement par une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), ce lieu propose des espaces de coworking, un fablab, des salles de réunion et un restaurant. Il vise à favoriser l’innovation sociale et économique en impliquant les acteurs locaux dans sa gouvernance. La collecitvité a versé une somme pour le démarrage de l’activité avec pour objectif que la SCIC soit autonome financièrement (sans nouveau apport).
Accéder à la page Web de la SCIC La Filature des Possibles
D’autres exemples possibles :
🏗️ Exemple 1 : Une commune crée une SEM foncière pour agir sur le logement et le commerce
Dans une petite commune de 1 800 habitants, le centre-bourg se meurt. Deux commerces vacants, trois maisons inhabitées depuis des années. Plutôt que d’attendre une intervention de l’intercommunalité, la commune crée une SEM foncière avec un bailleur et une banque locale. Objectif : acheter, rénover, louer à prix modéré.
👉 Résultat : en deux ans, un salon de coiffure rouvre, une jeune prof de yoga s’installe dans un local rénové, deux logements locatifs trouvent preneur. La commune touche une redevance et reste aux commandes.
🎭 Exemple 2 : Transformer un ancien hangar en lieu culturel, hors régie
Une commune possède un bâtiment inoccupé. Elle veut en faire un espace culturel (salle d’expo, résidence artistique), mais ne veut ni l’exploiter en régie, ni dépendre d’un financement incertain.
Elle crée une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) avec l’association culturelle locale, une entreprise d’insertion, et un mécène régional. La commune apporte le bâti et un petit capital. La SCIC emprunte, aménage, anime.
👉 En trois ans : 60 événements, 5 000 visiteurs, et une activité pérenne. Le tout sans alourdir le budget communal.
🏕️ Exemple 3 : Du camping au levier de développement
Un camping municipal en régie génère un excédent de 30 000 € par an. La commune décide de le transférer dans une SEM, dont elle reste majoritaire. La SEM gère le site, investit dans une piscine écologique, et utilise les bénéfices pour financer des projets de tourisme doux (sentiers, location de vélos électriques, micro-musée…).
👉 Le camping devient un outil économique, culturel et patrimonial, sans coût supplémentaire pour la commune.
🔑 Ce qu’il faut retenir :
- Une commune peut agir au-delà de ses compétences formelles, dès lors qu’elle utilise des outils adaptés : SEM, SCIC, SPL, foncière, appels à projet…
- Ce qui compte, ce n’est pas d’avoir la compétence juridico-administrative, mais la capacité à porter une vision, à créer des alliances, à déclencher des dynamiques.
- L’audace devient une compétence territoriale à part entière, sur un plan d’égalité avec les autres compétences essentielles : administratives et techniques